P A R   V I R G I N I E   V .   -   1 1 . 0 1 . 2 0 2 1

Un fil rouge invisible relie ceux qui sont destinés à se rencontrer , indépendamment du temps , de l'endroit ou des circonstances.

Je crois que j'ai toujours su que tu entrerais dans ma vie d'une manière bien atypique. Et tu es arrivé un beau matin de février 2010, non pas à la maternité… mais en avion militaire. Cela fait maintenant onze années que tu partages ma vie et que tu me remplis de bonheur. Toi, mon fils, né ailleurs pour venir jusqu'à moi.

H A Ï T I   /   F R A N C E

Pour adopter un enfant, il faut passer par un parcours du combattant.

II faut d'abord passer un agrément afin de prouver que nous sommes aptes à élever un enfant qui, génétiquement ne sera pas le nôtre.

Assistante sociale, psychologue, certificat médical…

Environ neuf mois plus tard, le "précieux" en poche, une autre étape est à franchir…. se faire accepter par une association afin que l'adoption se fasse le plus sérieusement possible, tant sur le plan juridique que moral.

Mon choix s'était porté sur "Médecins du Monde". Déontologiquement et moralement, il allait de soi que nous allions t'adopter ton père et moi avec cette ONG. 

Une fois que l'équipe de l'adoption nous accepte… c'est parti pour le grand saut vers l'inconnu ! Quelques mois plus tard, "Médecins du Monde" nous appelle un matin pour nous apprendre qu'un petit garçon de six mois né en Haïti était notre fils ! Olivier… tu t'appelles Olivier.

Il se passa un évènement en Haïti, qui, finalement précipita ton arrivée. Le tremblement de terre du 12 janvier 2010, qui fit plus de 230 000 morts et autant de blessés . Ce jour là, mon cœur s'est arrêté de battre. Nous avons su que tu étais vivant seulement cinq jours plus tard . L'orphelinat étant dévasté, il a fallu - tes petits amis et toi - vous sortir de là et vous emmener sur le grand stade, près du cimetière…

Des équipes médicales  de "Médecins du Monde" sont arrivées sur place pour vous soulager, vous réhydrater et vous nourrir. 

Le 11 Février 2010, tu débarquais avec un avion militaire à Orly. Il neigeait ce jour là.

I L   A R R I V E   !

La base d'une évacuation d'urgence, c'est qu'il faut faire vite!

Donc, arrivée pour les parents à 6h50 à Orly, arrivée des enfants à 7h30, prise en charge totale du SAMU, de la croix rouge et Médecins du monde. Café à volonté ! OUF! Quoique déjà un peu sur les nerfs, les jambes qui flageolent "beaucoup", mais on fait avec : il va falloir être forts !

Une infirmière du SAMU nous prend en charge dès notre arrivée, nous explique exactement comment tout va se dérouler jusqu'à notre départ environ 4 heures plus tard. Nous remplissons des dossiers. Nous expliquons nos ressentis, nos états d'âme... c'est vrai, ce mois a été difficile pour tout le monde…

Enfin 9 heures, nous entendons : "Parents … "

Houlà là, PARENTS, ça y est , on y est !

Une infirmière du SAMU, vient nous voir en nous disant qu'Olivier est hypotonique, qu'il ne tient pas sa tête… 

Là, on a peur, qu'est-ce qu'elle nous dit …

Et là, tout le sens du mot "parents" prend forme, les jambes ne flageolent plus, en tous cas plus de la même façon…

Tu étais si frêle, cinq petits kilos pour 10 mois et demi !

9h15 : la personne chargée des papiers (sauf conduit puisque pas de passeport et aucun papier d'identité) nous invite à nous asseoir, puis c'est au tour de la Sécu puis de la Caf. Tout est réglé comme du papier à musique !

9h30 : le voilà... si petit... endormi... emmitouflé dans une couverture… "il faut tenir le coup…"

C'est curieux, ma première réaction a été de tourner la tête quelques secondes et de souffler très fort.

On respire pour ne pas flancher et la dame de la croix rouge me tend mon "fils" dans les bras... son papa prend quelques photos, dur de jongler entre l'émotion et les clichés souvenirs ! En quelques minutes, les présentations sont faites ! Olivier ouvre un œil, il me voit, semble me dire "Ah  c'est toi …salut ! et ben...il était temps !!" et puis il regarde son Papa et la même réaction :" Oh... tu es là aussi !! Bon... on s'en va !"

Je lui donne un biberon de lait avant de prendre la route, le médecin vient nous voir, nous dit de ne pas nous inquiéter, qu'après tout, c'est encore la nuit là bas… et Olivier a horreur d'être réveillé. En plus, tous les enfants ont été emmené pendant 24 h en Guadeloupe pour y être "désinfectés"!

Ils sont épuisés.

Les référentes de "Médecins du monde" nous avouent que la première semaine fut très  difficile à Port Au Prince, que les enfants ont dormi presque une semaine dehors au milieu du chaos et des morts. On se regarde avec ton père et on se dit que notre fils a vécu des choses terribles et nous sommes encore plus fiers de lui… 11 heures , nous partons à la maison !

Demain...cela fera un mois que le séisme a eu lieu…

L ' A P P R I V O I S E M E N T

Tu t'es très vite acclimaté à ton nouvel environnement.

Ton premier mot a été Titus, le nom de notre chat.

Le deuxième mot... t'aime!

J'avais pris six mois de congés parental pour ne pas te quitter d'un cheveu. Enfin, c'est plutôt toi qui ne voulais pas me quitter des yeux !

Le plus difficile a été le côté administratif. Certaines personnes ont été formidables et m'ont beaucoup aidée et épaulée. D'autres… bon, passons !

Un enfant de quelques mois sans aucun papier en règle , c'est pas simple! Dix ans plus tard... on y est encore ! Nous n'avons jamais obtenu l'adoption plénière… et aujourd'hui divorcée... c'est terminé.

Par ces quelques lignes, je voulais vous dire, de ne jamais perdre espoir.  Que d'avoir mon fils est le plus beau cadeau que la vie m'ait faite. Que je l'aime d'un amour infini. Que je remercie "deux personnes", là bas, en Haïti, de m'avoir permis d'être une maman. Qu'une famille, ce n'est pas uniquement un papa, une maman et sa jolie tête blonde avec les yeux de sa mère et le sourire de son père !

Une famille, c'est aussi des parents divorcés qui élèvent leur fils dans les meilleures conditions possibles. 

Alors oui, notre famille est atypique… mais je ne la changerai pour rien au monde !