MUSIQUE I "QU'AVONS-NOUS FAIT ? " L'ALBUM POSTHUME


P A R   R É G I S  P E N H O Ë T   -  1 4 . 0 6 . 2 0 2 4

DOMINIC SONIC, L'ALBUM : UN HOMMAGE ROCK ET POIGNANT !

La rédaction est partie à la rencontre de Romain Baousson, producteur de l'ultime album hommage à l'artiste et rockeur Dominic Sonic, disparu tragiquement en 2020 et ayant enregistré cet album ô combien singulier quelques jours seulement avant sa disparition. Originaire de Dinan, cet artiste maniant la plume et sa guitare muni d'une verve singulière a enregistré pas moins de six albums en studio et aura marqué de son empreinte la scène rock française.

Partons à la rencontre d'un homme qui a partagé des moments intenses avec cet artiste, musicalement bien sûr mais pas seulement !

(c) https://www.idospectacles.com
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Présentez-vous succinctement à nos lecteurs.


Je m’appelle Romain Baousson, 37 ans, et je suis musicien, ingénieur du son et producteur. Je fus en premier lieu batteur durant mes jeunes années dans divers groupes, et j’ai notamment eu le privilège de faire partie de la dernière tournée de Dominic Sonic, «  Vanité n•6 « , puis j’ai pu récemment produire l’album posthume baptisé «  Acoustic «  de ce grand artiste parti trop tôt.

Entrons dans le vif du sujet pour évoquer la sortie du nouvel album hommage à l’artiste, album que vous avez produit et qui est sorti le 29 Mars dernier, à savoir «  Qu’avons-nous fait « . Comment vous est venue l’idée d’un tel défi à relever ?

Romain : Je vais tacher de vous expliquer sous la chronologie de l’histoire de cet album, mais je me dois d’abord de vous relater l’épilogue : 

Dominic et moi avions déjà tourné ensemble, et j’étais d’ores et déjà producteur, raison pour laquelle ça m’intéressait fortement de produire sa musique ainsi que ses titres, et ce bien avant que les médecins lui transmettent son diagnostic. C’était donc une collaboration classique, et ce jusqu’à ce que la nouvelle tombe brutalement. Le label IDO a essayé de faire la promotion de la tournée seule avec l’album «  Acoustic « sur lequel reposaient uniquement des morceaux revisités de précédents albums. Nous avons fait venir des musiciens afin de terminer les prises dans les temps, même si parfois les sessions furent difficiles. Il fallait faire vite pour qu’il puisse entendre l’album finalisé, et ce fut mission accomplie.
Pour ce qui est de la mise en place de l’enregistrement de «  Qu’avons-nous fait « , il s’est réalisé en deux étapes : en effet, Dominic était très fier du résultat de «  Acoustic « , aussi m’a-t’il naturellement recontacté afin de me commander un nouvel album à enregistrer. C’était évidemment un défi très surprenant, mais ses paroles m’ont de suite convaincu ! «  Moi j’en ai encore sous le capot ! J’ai des choses à dire et à faire entendre ! «  tout est alors allé très vite, j’ai joué de la guitare, utiliser des maquettes, et Dominic nous a quitté trois semaines plus tard. Il m’avait d’ailleurs dit quelques jours avant sa disparition «  je sais que je ne verrai pas ce disque, mais je souhaite y voir jouer la même équipe que sur Acoustic « . J’ai évidemment tâcher de respecter ses volontés, car c’est lui qui voulait plus que tout que cet album soit édité. Nous sommes partis de rien, de structures et de voix, puis nous avons rappelé les instrumentistes que Dominic souhaitait vivement voir vibrer sur cet album : le clavier de Thomas, le violon de Mirabelle…
Puis est survenu une volonté artistique de ma part. En effet, bon nombre de personnes ayant participé à l’album, n’ont pas su de prime abord avec qui ils allaient jouer, ni même sur quel titre, et ce avant que l’enregistrement ne soit effectué, tout ceci sous le sceau du secret.
Les musiciens arrivaient dans un studio où tout était déjà réglé, et c’est moi qui choisissais qui jouerait sur quel titre, si bien qu’ils ont dû s’adapter, tel un cadavre exquis, chacun découvrant sa petite touche qu’il apportait à la mosaïque globale. Je ne vais pas vous le cacher, compte-tenu du contexte, il y avait un temps avec beaucoup d’émotion que l’on se prenait dans la tronche ! Puis il fallait prendre les structures, les accords, et surtout, tout un chacun avait interdiction d’écouter ce qu’il venait d’enregistrer et ce avant la validation définitive de l’album. Nous avons gardé ce choix artistique de simuler l’urgence, aucun d’eux ne voulait se foirer. Ils ont travaillé d’arrache-pied. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice, comme il l’entendait. On a l’impression que c’est un seul et même orchestre, or ce n’est jamais le même «  line-up «  d’un titre à l’autre. Il s’est passé quelque chose de singulier, c’est ce qu’on appelle un bel hommage.
(c)https://idoproductions
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Comment le projet a-t-il été accueilli ?

De prime abord, il convient de préciser que son entourage savait que ce disque était dans les tuyaux. D’ailleurs, Dominic l'avait prématurément annoncé sur Facebook. «  le prochain sera encore mieux ! «  clamait-il. Tous les retours sont hyper positifs, et ils ont très bien saisi la raison pour laquelle ce disque n’apparaît que quatre ans après, notamment parce que nous avions tous besoin de temps pour nous remettre de ce drame qui a provoqué tant de chamboulements, mais aussi parce qu’il restait moult étapes techniques, suite aux enregistrements en différé, tels que la conception de la pochette, le dépôt ou encore l’exploitation de l’album.

 

Parlez-nous un peu de cet album hommage. Peut-on y déceler des nuances par rapport aux précédents ?

Il existe évidemment des nuances majeures puisque l’album précédant, «  Acoustic « comme son nom l’indique, était exclusivement constitué de titres déjà sortis lors de parutions d’albums plus anciens, mais sous forme «  acoustique « . il faut dire que Dominic et moi-même adorons l’énergie musicale d’artistes tels que Neil Young ou Bob Dylan. L'autre différence majeure est bien entendu que les titres de l’album «  Qu’avons-nous fait «  ont été construits à contresens, puisqu’il nous a fallu poser des instruments autour de la voix de Dominic, et non l’inverse, comme cela se fait généralement. Pour imager mon propos, je dirais que c’est comme si l’on cherchait à construire une maison en commençant à poser les ardoises, sans avoir bâti la charpente ou encore, comme si l’on préparait un gâteau en fonction de la cerise, celle-ci représentant la voix de l’artiste.

Parmi les titres phares de cet album, on peut notamment citer le très joli «  Qu’avons-nous fait « en duo avec l’artiste Miossec, qu’est-ce qu'évoque cette chanson pour vous ?

Il se trouve que ce titre a une histoire très différente des autres titres issus de l’album. En effet, Dominic n’a pas lui-même composé les paroles, puisque c’est à la base Miossec qui les avait écrites, dans un texte relativement similaire. Les paroles ont ensuite été remaniées afin de coller à la musique et nous avons trouvé l’idée fort intéressante que cela s’avère être un duo avec deux voix qui se marient parfaitement.
À mon sens, cette chanson aborde les déboires de la vie de deux amis en toute simplicité. Lesquels échangent sur des sujets tels que l’amitié, la vie sur la route, les choix de vie et leurs conséquences, ainsi que leurs regards distincts derrière leurs vies, déjà construites, et ce en toute convivialité autour d’une bière par exemple. Ce titre simple et évocateur a été intégralement modifié donc aujourd’hui il s’agit autant d’un texte signé des mains de Dominic qu’à celles de Miossec.

(c) https://actu.fr
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Un rock mélancolique se dégage fortement de l’ensemble des chansons issues de l’album. Diriez-vous que cela correspond à la personnalité de Dominic ?

Romain : Je dirais plutôt que cela correspond à son état d’esprit sur le moment. Dominic n’était pas mélancolique en permanence. En revanche, durant les prises vocales de cet album, il était capable de prévoir, d’anticiper ce qui allait lui arriver. Il avait une fenêtre qui lui permettait de savoir approximativement quand il allait nous quitter et surtout de grands moments de clairvoyance. Son état d’esprit ressemblait plutôt à quelque chose comme «  C’est acté ! Je peux désormais faire un bilan de ma vie ! « . En quelque sorte, il a réglé les dossiers de sa vie et a transmis ses messages à travers sa musique à ses proches. Pour le côté rock, il l'a toujours été. Et mélancolique, il l'était avec parcimonie, notamment dans le titre «  Accordez-moi «  où il fait le bilan de sa vie, de ses échecs, de ses regrets. Mais une chose est sûre, il n’a jamais paniqué, et ce malgré la triste fin qui l’attendait. Il a été très fort, toujours dans l’introspection.

Avez-vous, au sein de cet album, un titre de prédilection ? Un texte qui vous touche ou qui vous a particulièrement marqué ?

Romain : il est ô combien difficile de n'en choisir qu'un seul, puisque j’ai un attachement très prononcé pour chacun des titres présents dans l’album, mais si je devais en choisir un ce serait indéniablement «  Celui qui part « , un mélange de gospel morbide avec un orgue crépusculaire conférant une ambiance juste incroyable, notamment grâce à l’accouplement guitare/voix en démo.

Ce titre est assez représentatif de l’ensemble de l’album, et demeure assez simple dans sa construction musicale. Et musicalement, ça s’envole. Je dirais qu’e cette chanson coche toutes les cases, difficile d’en choisir une autre qui soit plus émouvante à mon sens. 

(c) https://radiobalises.com
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Comment qualifieriez-vous la musique de Dominic ?

 

Romain : En premier lieu, je dirais que Dominic manie avec talent l’urgence, l’immédiateté du rock dans un esprit sulfureux / punk, mais on ne peut le réduire à ça. Il avait beaucoup d’élégance derrière l’étincelle, et selon moi, il manie aussi bien sa plume qu’un certain Bashung. Je lui avais d’ailleurs conseillé d’écrire l’intégralité de ses compositions en français car il avait l’art d’exprimer des choses pointues. C’était une évidence, une icône du rock français, il possédait une dualité entre son écriture raffinée et son apparence punk, ce qui le rendait unique.

 

Des projets pour promouvoir et faire vivre ce bel album hommage ?

 

Romain : il y a eu un concert à Ubu. Mais il est plutôt difficile de promouvoir l’album, car il faudrait changer certains musiciens et ce ne serait pas mettre l’univers de Dominic en avant. Nous optons donc pour faire vivre cet album par le biais de la presse, et surtout par la transmission du message auprès des gens afin qu’ils écoutent cet opus qui s’avère aussi être un disque testament.

 

 

Si vous aviez un ultime mot à adresser, vers là-haut, à l’attention de Dominic. Que diriez-vous ?

 

Romain : J’espère qu’il est fier de la réalisation de cet album et de ce que l’on a fait ensemble. Je sais qu’il est complexe de tenir la dragée haute à ses autres albums mais il sait que j’ai donné le meilleur pour faire de cet album une œuvre dont nous pouvons être fiers.

 

Un mot pour nos lecteurs ?

 

Romain : Un soir, servez-vous un petit verre, faites tourner ce disque et laissez-vous embarquer. J’invite tout le monde à profiter d’une parenthèse musicale, singulière et profonde.

 

Un grand merci à vous, Romain, pour nous avoir livré ce sympathique échange, et surtout nous avoir confié ce rapport très attachant à un artiste dont l’art ne s’arrête pas à sa disparition.

 

L'équipe de la rédaction adresse d'infinis remerciements à Romain de nous avoir accordé cette interview empreinte de tendresse et nous vous invitons à découvrir l'intégralité de l'album de Dominic ici : dominic-sonic-quavons-nous-fait